La recette pas à pas : gestes et astuces de la tradition bordelaise
La préparation de la pâte : une affaire de patience
Contrairement à de nombreux gâteaux, le cannelé demande une pâte très fluide, presque comme une pâte à crêpe épaisse.
Voici les étapes détaillées, issues des pratiques des maisons historiques de Bordeaux :
- Infuser le lait : Faites chauffer le lait entier avec 40 g de beurre (pour 50 cl de lait), une gousse de vanille fendue et grattée. Laissez infuser 10 minutes hors du feu pour obtenir un lait parfumé sans ébullition.
- Blanchir les jaunes et le sucre : Fouettez ensemble 3 jaunes d’œufs et 250 g de sucre jusqu’à obtenir une texture claire. Cette étape donne du moelleux et évite l’amertume du sucre mal dissous.
- Incorporer la farine : Ajoutez 110 g de farine tamisée, sans fouetter mais en soulevant la pâte à la maryse pour ne pas développer le gluten.
- Mélanger le tout : Versez progressivement le lait infusé tiède sur le mélange, en remuant délicatement, puis ajoutez le rhum (3 cl, soit 2-3 cuillères à soupe). La pâte doit rester très fluide.
- Passage crucial : le repos au froid : Laissez reposer la pâte 24 à 48 heures au réfrigérateur, couverte, pour favoriser le développement aromatique et donner au cannelé sa mie typique, légèrement alvéolée.
Pour les professionnels, ce long repos est non négociable. Il s’explique par la nécessité de bien hydrater la farine, homogénéiser la pâte et limiter les bulles d’air qui troubleraient la croûte.
Le choix du moule : le secret du croustillant
Le moule à cannelé, c’est sacré ! Historiquement, il est en cuivre, parfaitement cannelé pour une caramélisation uniforme. La transmission de la chaleur y est inégalée ; c’est ce qui permet d’obtenir la fameuse croûte brillante et presque caramélisée, alors que le cœur demeure tendre et fondant.
- Moules en cuivre étamé : ils offrent le résultat le plus proche de l’original. Leur seul défaut : ils doivent être bien graissés (traditionnellement avec un mélange de cire d’abeille et beurre fondu), pour éviter l’adhérence et la détérioration de la fine couche d’étain.
- Moules antiadhésifs modernes : une bonne option pour un usage domestique, mais attention : la croûte peut être moins craquante et la cuisson plus sensible.
- Silicone : à proscrire si l’on vise la texture et le goût authentiques, car le moule absorbe une part de la chaleur et freine la caramélisation.
À Bordeaux, certaines pâtisseries comme La Toque Cuivrée ou Baillardran cuisent chaque jour plus de 40 000 cannelés dans des moules en cuivre : un savoir-faire reconnu dont les résultats sont difficilement égalables à la maison !
Graisser les moules : un geste ancestral
Le choix du gras est décisif. La recette ancienne implique l’utilisation de pure cire d’abeille, qui donne au cannelé son lustre caractéristique et contribue à la croûte. Aujourd’hui, on mêle souvent moitié beurre fondu, moitié cire, pour un résultat plus facile à manipuler.
Mode d’emploi : faites fondre le beurre et la cire à feu très doux, puis, à l’aide d’un pinceau, tapissez chaque moule d’une couche très fine.
La cuisson : l'art du contraste
La cuisson, c’est LE facteur qui distingue le bon du grand cannelé. La tradition bordelaise impose une cuisson à très haute température puis à température plus douce :
- Préchauffez votre four à 250°C (chaleur statique). Certains fours ne dépassent pas 240°C : surveillez l’enfournement.
- Disposez les moules (jamais totalement remplis, ne pas dépasser les 4/5) sur une plaque froide.
- 15 minutes à 250°C : c’est ici que se joue la belle croûte caramélisée.
- Puis, baissez immédiatement à 180°C et poursuivez entre 45 à 55 minutes (selon la taille des moules et votre four). Le cannelé classique fait 5 cm de haut, la cuisson adapte à la taille : pour les mini-cannelés, 35 à 40 minutes suffisent.
Le cœur doit rester bien moelleux, presque tremblotant à la sortie du four : c’est en refroidissant que la pâte va se « tenir ».