A la table bordelaise : les produits phares
Le pain : fierté quotidienne des fours girondins
Aucune table médiévale sans pain ! À Bordeaux, le « pain bis », plus sombre, nourrissait le peuple alors que la bourgeoisie consommait du pain blanc, plus coûteux. Les boulangers utilisaient d’abord du froment (pour le pain blanc), ensuite du seigle ou de l’orge selon les récoltes. Le pain, en miche massive de plusieurs kilos, était parfois trempé dans le vin local pour attendrir la mie. Un four public, attesté dans la ville dès le XIII siècle, fournissait chaque quartier (voir : Archives Bordeaux Métropole).
Le poisson, roi des rivières et adaptes du Carême
Dépendante de la Garonne, la cuisine bordelaise médiévale faisait la part belle au poisson. Esturgeons majestueux – dont les œufs étaient transformés en un caviar précoce –, aloses, lamproies, anguilles, brochets, saumons : rares étaient les tables bordelaises qui n’en servaient pas, surtout lors des 130 jours maigres de l’année liturgique. On les consommait :
- Grillés ou bouillis, souvent nappés de sauces acidulées au verjus
- Farcis d’herbes locales (cresson, oseille), ou accommodés à l’aigre-doux avec raisins secs et épices
- Conservés séchés, fumés ou salés pour les mois dépourvus de prise fraîche
La lamproie, très appréciée, donnait déjà lieu à des recettes sophistiquées : cuite dans du vin rouge, avec épices et poix de pain – ancêtre du noble « lamproie à la bordelaise » d’aujourd’hui.
La pêche faisait l’objet de taxes municipales, preuve de son importance : en 1294, le « droit d’octroi » sur la vente de poisson à Bordeaux rapportait une part importante des recettes communales (source : « La vie quotidienne à Bordeaux au Moyen Âge », Michel Cassan, Hachette).
Le vin bordelais : richesse, commerce et alimentation
Dès le XII siècle et l’union d’Aliénor d’Aquitaine avec Henri Plantagenêt, le vin bordelais est expédié à Londres – mais il est aussi omniprésent dans l’alimentation locale. On le boit coupé d’eau, on l’utilise pour cuire viandes et poissons, confectionner des sauces, ou fabriquer le "verjus" (jus acide de raisins verts).
Certaines tavernes du port proposaient des plats cuits dans le vin local, souvent relevés par des épices importées, toute une gamme d’entrées à base de rillettes de poisson ou de légumes fermentés.
On estime qu’au XIV siècle, 80 % du vin exporté depuis Bordeaux était du « claret », vin rouge pâle ou rosé apprécié des Anglais (source : « Histoire du Vin de Bordeaux », Jacques Dupont, Editions du Chêne).